Interview de Elisabeth Paehtz

Elisabeth Paehtz, championne née à Erfurt lorsqu’il y avait encore deux Allemagnes, a un palmarès étoffé. Elle remporte à 9 ans le championnat allemand des moins de 11 ans, championne d’Allemagne en 1999, championne du monde des moins de 18 ans en 2002 et championne du monde junior en 2004. Depuis, elle poursuit une carrière internationale.

Georges BERTOLA : Vous êtes née en RDA, conservez-vous un souvenir de la chute du mur 1989 ?

Elisabeth PAEHTZ :  Non, je n’ai pas de souvenirs précis. Etant enfant, je ne comprenais pas la situation politique avec une Allemagne de l’Est et une Allemagne de l’Ouest.

G.B. Votre père, Thomas Paehtz, a été votre premier entraîneur, il était un GM de l’Allemagne de l’Est, est-il encore actif ?

E.P. Non, c’est un joueur professionnel qui a arrêté sa carrière après le dernier championnat de l’Allemagne de l’Est en 1990, japrès la chute du mur. Il a gagné en compagnie du GM Tischbierek. Puis, mon père nous a entraînés avec mon frère et 3 autres jeunes, des sessions régulières 3 fois par semaine.

G.B. Votre profession est joueuse d’échecs ou pratiquez-vous d’autres activités ?

E.P. Actuellement, je suis probablement la seule joueuse professionnelle d’Allemagne.

G.B. J’ai entendu dire que vos rapports avec la Fédération allemande ne sont pas très bons, vous n’êtes plus soutenue ?

E.P.  C’était difficile à cause d’une personne qui n’est plus là aujourd’hui. Le plus grand problème pour moi était que les femmes étaient traitées différemment que les hommes. Je lutte pour cette cause : l’égalité de traitement entre hommes et femmes. Finalement, j’y suis parvenue et l’année prochaine les conditions seront meilleures pour les femmes.

G.B. Aujourd’hui une femme peut-elle vivre du jeu d’échecs ?

E.P. Cela dépend de nos origines. Si j’avais été Indienne come Harika Dronavalli ou Tania Sachdev, ce serait différent car elles ont des sponsors. C’est plus facile de gagner de l’argent dans un pays où les échecs sont très populaires contrairement à l’Allemagne. Je participe à quelques championnats par équipes et donne 4 à 5 simultanées par année. Parfois, je gagne des tournois, cela m’aide.

G.B. Comment avez-vous vécu la domination des joueuses chinoises ces dernières décennies et comment l’expliquez-vous ?

E.P. Les Chinois ont un système très particulier pour trouver des talents, en séparant les enfants des parents pour les amener à Beijing (Pékin) et les faire travailler les échecs 6 heures par jour. C’est ainsi qu’ils produisent de très forts joueurs et joueuses. Ce qui n’est pas le cas en Allemagne, ni en France, je suppose. C’est difficile de développer le niveau des joueurs dans des pays qui n’accordent pas une grande importance aux sports et aux échecs en particulier.

G.B. Que pensez-vous des initiatives de l’actuel Président de la FIDE Dvorkovitch visant à revaloriser les compétitions féminines ?

E.P. Dvorkovitch a changé le système et cela me réjouit. Avant nous étions arrivés à un tel point qu’il n’y avait plus de tournois. La situation était compliquée pour les échecs féminins. Il est arrivé, les choses changent et tout le monde semble satisfait.

G.B. Aujourd’hui, quelles sont vos ambitions ?

E.P. Je voudrais revenir dans le Top Ten. Emotionnellement, je ne suis pas très stable. Si quelque chose me préoccupe, mes résultats s’en ressentent; comme mes conflits avec ma fédération par exemple. Ce problème, résolu aujourd’hui, j’espère trouver une plus grande confiance et repasser la barre des 2500 points Elo.

G.B. Pouvez-vous citer une personnalité du monde des échecs qui vous a marquée ?

E.P. J’ai une grande admiration pour Judit Polgar, meilleure joueuse de tous les temps. Elle a toujours semblé être quelqu’un d’équilibrée et modeste. Depuis qu’elle a arrêté la compétition, elle continue à œuvrer pour les échecs en utilisant son nom et son expérience d’une manière brillante. Ce que Judit fait pour les échecs est unique.

G.B. Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans le jeu ?

E.P. J’aime les échecs parce que chaque partie est différente et a son propre caractère. Le problème est que si l’on gagne, on peut être très, très heureux et si l’on perd complètement démoli. Il y a tant d’émotions que cela vous donne l’impression de vivre pleinement. C’est addictif, presque comme une drogue…

G.B. Qui est selon vous le meilleur joueur de l’histoire d’Allemagne?

E.P. Le GM Robert Hübner.

G.B. Commet trouvez-vous la formule du « Trophée Karpov », y a-t-il un enjeu supplémentaire dans un tournoi mixte ?

E.P. J’aime ces tournois mixtes où je peux jouer contre de très forts joueurs comme Bacrot ou Amin par exemple. Si vous réussissez à gagner contre l’un d’entre eux, cela vous procure des sensations fortes et un sentiment que vous ne jouez pas si mal. Gagner ma première partie contre Bassem a été très bénéfique pour ma confiance.