Interview d'Etienne Bacrot

Etienne Bacrot, 36 ans, champion du monde des moins de 10 ans, puis des moins de 12, Grand-Maître à 14 ans est le joueur le plus expérimenté du tournoi, 7 titres de champions de France. Encore très jeune, il a l’opportunité de disputer des matchs contre des joueurs légendaires. A partir de 2006, il participe alors à tous les plus grands tournois réservés aux super Grands Maîtres et rencontre sur l’échiquier la crème de la crème.

Georges BERTOLA : Déjà deux victoires au Trophée Karpov. En tant que favori, les sensations, la passion sont-elles toujours aussi fortes ?

Etienne BACROT : Je ne pense pas être en position de favori pour ce tournoi, si ce n’est pour me qualifier. J’étais plus en position de favori dans les éditions précédentes. J’ai quelques années de plus, et cela compte surtout dans les parties rapides. Dans des matchs en deux parties tout peut arriver, bien sûr j’espère gagner.

G.B. : Ce tournoi n’est pas pris en compte pour le classement ELO, c’est un avantage ou plutôt un inconvénient ?

E.B. : C’est évident que cela aurait été mieux si le tournoi comptait pour le classement Elo car les tournois rapides ont de plus en plus d’importance. Le problème est que le jeune Indien Sarin annonce un classement de 2285 qui est loin de correspondre à la réalité, il a dû jouer un seul tournoi en rapide il y a quelques années. La FIDE devrait pour un si jeune joueur, prendre en compte son classement actuel en parties lentes, cela serait plus logique pour ne pas faire perdre des points à tous les joueurs.

G.B. : J’ai été impressionné par ta victoire contre la championne du monde, Yifan Hou ! Un superbe sacrifice de pièce. Tout était-il calculé ou était-ce un sacrifice positionnel fruit de l’intuition et de l’expérience ?

E.B. : Tout n’était pas calculé jusqu’au bout, mais j’étais sûr qu’avec deux pions pour la pièce et l’attaque, c’était correct. Si cela ne passait pas dans cette position, alors ce genre de sacrifice ne marcherait jamais !

G.B. : Quel avenir pour le jeune indien Sarin ?

E.B. : Je n’ai pas vraiment un avis. C’est encore trop tôt pour le dire.

G.B. : Tu viens de participer à L’Île de Man, à ce qui est présenté comme le plus fort tournoi open de l’histoire, avec à la clé une place de candidat au titre mondial. Que penses-tu de cette nouveauté ?

E.B. : C’était un open spécial, tous les joueurs étaient invités avec de nombreux bons prix. Une seule place avec tellement de forts joueurs, c’est un peu aléatoire, cela se joue sur les appariements, mais pourquoi pas, ça nous laisse une chance et il en faut parfois pour réussir…

G.B. : Aujourd’hui, tu restes un GM de première force toujours actif ou plutôt le secondant de Maxime Vachier-Lagrave et entraîneur du « Pôle excellence »?

E.B. : Je combine les deux. Je viens d’enchaîner 3 tournois mais, avant cela, j’ai travaillé 4 mois pour entraîner Maxime, qui avait un calendrier très chargé, et quelques séances avec les jeunes du « Pôle excellence ».      

G.B. : Parmi ces jeunes joueurs français, peux-tu entrevoir dans un avenir proche des joueurs capables de devenir des super GM ?

E.B. : Il y a deux jeunes joueurs qui se distinguent : Marc’Andria Maurizzi et Marco Materia. Ils créent une véritable émulation avec les autres jeunes, les progrès sont probablement plus rapides grâce à Gilles Betthaeuser et son « Pôle Excellence ».

G.B. : Comment évalues-tu les chances de MVL de se qualifier via le « Grand Prix » pour être candidat ?

E.B. : Maxime n’a pas le choix, il faut qu’il gagne le prochain « Grand Prix FIDE » qui va débuter à Hambourg le 4 novembre. Il a une petite chance via la « Wild Card » mais c’est l’organisateur qui décide. S’il n’est pas qualifié, il est le plus fort joueur qui ne participera pas aux candidats. Ce serait vraiment dommage pour les échecs français. Mais Maxime va se qualifier en gagnant à Hambourg !   

G.B. : La sélection de l’équipe de France, est contestée par quelques-uns des meilleurs joueurs présents au Cap. Dans ce contexte, le numéro un français MVL a affirmé ne pas vouloir jouer aux prochaines olympiades ?

E.B. : Si on n’est pas contacté, on ne peut pas jouer. Les meilleurs joueurs n’ont pas été contactés pour le championnat d’Europe. Comme les joueurs n’ont rien à dire, je n’ai rien à ajouter !

G.B. : Un petit commentaire sur les 25 ans du tournoi ?

E.B. : C’est génial que le tournoi puisse continuer et de se retrouver entre amis et  amateurs. C’est une belle fête !

G. Bertola